"La carte du monde invisible" de Tash AW
La carte du monde invisible de Tash Aw
Éditions Pavillons Robert Laffont, 2012, 437 pages
Adam vit avec son père adoptif, Karl, sur la petite île paradisiaque de Nusa Perdo. Nous sommes en Indonésie, en 1960, et l'ambiance est tendue. Karl est d'origine hollandaise, il se trouve bientôt enlevé par l'armée du Président Soekarno sous prétexte de rafles anti-colonialistes. Adam décide alors de partir à sa recherche et va pour cela se rendre à Jakarta pour la première fois de sa vie pour rencontrer Margaret, une amie de longue date de son père, et lui demander de l'aide. Une fois dans la capitale indonésienne, Adame va découvrir avec stupeur que Jakarta est bien loin de la ville qu'il a fantasmé depuis des années. Le pays est en pleine révolte, il faut se méfier de tout le monde, le danger est partout.
C'est ici avant tout un roman initiatique que nous présente Tash Aw. En effet, le jeune Adam va découvrir l'histoire et la réalité de son pays à mesure de sa recherche de son père. Il va également se découvrir lui-même et se poser la question de sa propre identité : Qui est-il dans pays, lui le jeune indonésien au père Hollandais ? Quelles sont ses racines ? Qui sont ses parents biologiques ? Quel est son pays ?
Sa découverte de l'Indonésie sera comme un éveil personnel pour Adam à qui vont se révéler petit à petit des souvenirs oubliés de sa vie de jeune enfant avec son frère à l'orphelinat. Sa quête du père semble l'éloigner de ses retrouvailles avec son frère, et c'est pourtant en parallèle de ses recherches que tout va finir par lui revenir.
Ce n'est alors pas seulement un roman politique. A travers une multitude de personnages déracinés, l'auteur nous dresse un état de la société et de la vie à Jarkarta à cette époque : La corruption, un état qui ne protège absolument pas les individus, l'argent gaspillé à côté des bidonvilles, l'instabilité et l'ignorance des gens, le problème de l'identité d'un pays, déstabilisé par la présence et le colonialisme hollandais.
Malgré les thèmes abordés dans ce roman et qui peuvent sembler lourds et bien sérieux, ce livre se lit à tout allure. Le lecteur est emporté dans l'histoire du jeune Adam et l'auteur sait construire un récit plein de rebondissements et de suspens. Le style est fluide et agréable à lire, le texte est parfois amusant même. Tash Aw nous dessine un pays plein de pouriture (dans tous les sens du terme) mais nous dépeint ensuite avec plaisir la beauté de la nature indonésienne, en particulier l'île fantasmagorique qu'Adam habite au début du roman.
J'ai trouvé l'écriture de ce roman très intelligente, le texte est en dialogue constant avec lui même, les personnages et les situations dialoguent les uns avec les autres, tout en nuances au fur et à mesure de l'intrigue qui avance (le thème du bruit de la mer, les amitiés féminines d'Adam etc...) Enfin, il y a dialogue perpétuel entre Adam et son frère Johan, sans qu'ils ne s'adressent jamais la parole tout au long du roman.
J'ai eu la chance, grâce aux éditions Robert Laffont de rencontrer Tash Aw la semaine dernière avec deux autres blogueuses autour d'un verre. C'est un auteur simple et plein d'humilité... et qui parle un français absolument parfait. Les différents thèmes de son roman ont pu être abordés avec lui, il semble comme perpétuellement habité par son histoire et son pays. C'est comme s'il n'en avait pas encore fini de régler ses comptes avec l'Asie qui le hante encore et encore et qui le pousse à écrire des romans qui se déroulent là-bas. J'étais déjà en train de lire son roman le jour de la rencontre, mais je me serais procurer un livre de lui de toute urgence si ça n'avait pas été le cas, sans aucun doute.
Une très belle découverte alors que je recommande à tous les lecteurs ayant envie de passer quelques jours en Indonésie en lisant une belle histoire (car oui, au bout du compte, cela reste une belle histoire). Un grand merci aux Éditions Robert Laffont de nous avoir permis de lire ce livre en exclusivité et de rencontrer Tash Aw.
Retrouver également le billet de ma copine Titine.