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20 juin 2012

"En Sibérie" de Colin THUBRON

en sibérie

En Sibérie de Colin Thubron

Editions Folio, 2012, 471 pages

Colin Thubron est un écrivain voyageur (journaliste aussi). Il part seul à l'aventure et s'imerge totalement dans le pays, dans la société, parmi les gens. Il est curieux et c'est cette curiosité qui décide de ses destinations... un bled paumé mystérieux, il prend un bus douteux et il fonce !

C'est en Sibérie que ce récit de voyage nous porte, à travers son périple de 24.000 kilomètres (pourquoi filer droit quand on peut faire plein de détours par de petits villages inconnus, hein?). Transsibérien, bus, taxi espion, bateau, avion bancale... rien ne l'arrête quand il a décidé de se rendre quelque part pour voir un village branlant sur le permafrost, les restes d'un goulags, une communauté de vieux-croyants, une vieille momie pazyryk gelée.

Ce qui intéresse Colin Thubron c'est l'essence même d'une culture, les histoire, ses gens, le pourquoi, le comment, les rêves des gens, leur désillusions, leurs envies, leurs idées et leurs idéaux. Colin va alors à la rencontre ses ces petites gens, dans le train, dans un gare, dans la rue... les gens finissent habituellement par l'inviter chez eux pour prendre un verre et raconter ce qu'ils sont, intrigués par cet anglais qui voyage seul. Les gens qu'il rencontre tout au long de ce récit semblent avoir une soif de partage, comme s'ils voulaient se servir de cet anglais providentiel, cette porte vers l'ailleurs, vers la liberté, pour témoigner... témoigner de leur quotidien, mais aussi rappeler le destin parfois tragique de leurs parents et grands parents. Il se dégage également d'eux une certaine fièreté de leur peuple (Colin va à la rencontre des divers peuples qui vivent en Sibérie)... Il y a comme cette idée de culture immensément riche, d'une diversité totalement écrasée, anéantie et gâchée par des années de Stalinisme. Les gens ont à peine de quoi manger, alors comment se reconstruire ? Tout ces destins sont comme dans l'espectactive que quelque chose arrive enfin, qu'on se souvienne qu'ils sont là, quelque part, à la dérive, mutilé dans leur évolution tant économique, personnelle qu'historique (tout comme la nature souillée par la radioactivité ou autre joyeuse pollution).

Ce livre a un petit air de "J'irai dormir chez vous", en effet l'auteur n'hésite pas à aller à la rencontre des gens, à la provoquer pour aller au fond des choses et pour se faire sa propre idée. Il est parfois confronté à ses préjugés, à son incompréhension... il ne peut pas s'empêcher de juger les dérives de certains, parfois, comme tout homme confronté à de tels excès chez son voisin.

Ce récit est aussi le regard d'un enfant face à l'immensité des toundra, des taïgas, des étendues de vide, de la faune foisonnante (et moi qui cherche absolument TOUT sur le net pour partager avec lui ce qu'il voit, cette lecture m'a pris trois fois plus de temps que la norme ! Pas juste pour les animaux, pour les bleds paumés aussi - que bien souvent je ne trouvais pas - pour les goulags qui me motivaient à me remettre au boulot pour me changer les idées...).

Ce récit est également l'incompréhension sans limite des ravages du Stalinisme sur l'humanité... on sent une profonde fascination obscure de l'auteur pour cette cruauté des camps de travail, des goulags, de l'extermination de milliers d'hommes et de femmes souvent sans aucune raison (non pas qu'une raison devienne un raison valable bien sûr). Ces abominations vont flotter sur le livre et l'auteur va comme essayer de comprendre en se rendant sur les lieux, en ressentant cette haine contre les tortionnaires... mais je crois que malgré son pèlerinage, Colin Thubron reste encore dans l'incompréhension totale de ces cruautés, et comme on le comprend !

Ce livre nous donne alors l'impression de voyager avec l'auteur, d'écouter les confidences des gens qu'il rencontre, de voir la neige tomber, de sentir le froid piquant.

Comment vous dire, je ne suis pas sortie indemne de ce livre... et un voyage dans le transsibérien est maintenant l'une de mes priorités de voyage - rien de tel pour se trouver un nouvelle motivation déjà bien engagée, pour se mettre très sérieusement au Russe.

Ce livre a été pour moi comme tout un pan de l'histoire tout un coup plongé dans la lumière. Colin Thubron a mis des images, des "visages" sur des abstractions apprises à l'école. Il m'a donné envie de lire des récits sur les goulags (j'avais déjà été traumatisée de ce que j'avais pu apprendre en Hongrie sur le sujet) car finalement ça semble si loin de nous et trop inconnu, alors qu'il est pour moi impossible maintenant de faire une telle abstraction de ces horreurs.

Ce livre me fait pensé sur beaucoup de points à Les dépossédés de Robert McLiam Wilson, il se veut avant tout une rencontre avec les gens, une tentative de compréhension et de compassion, un compte rendu objectif et plein d'humanité de ce que chacun des auteurs voit, jusqu'à ce que ça les prenne aux tripes, entraînant le lecteurs dans le même état d'esprit.

Ce livre a comme ouvert une porte en moi, et m'a rappelé que ce que j'aime le plus dans la vie, c'est aller à la rencontre des peuples, quelques soient leur histoire, leur souffrance, leur bonheur. Et que la vie ne vaut pas d'être vécue si l'on ne va pas à la découverte de la richesse de sa planète.

ENORME coup de coeur comme il m'est rarement arrivé d'en avoir ! Merci Monsieur Thubron pour ce merveilleux voyage à travers vos pages.

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Commentaires
M
Après avoir vu plusieurs billets élogieux à droite et à gauche, je crois que je vais succomber aussi ! Je l'ai déjà noté !
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C
@ Allie : Oui tous les lieux "extrèmes" me fascinent moi aussi !
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M
Bonjour,<br /> <br /> L’intérêt que vous portez à Staline (et peut-être aux preuves des crimes qui lui sont ordinairement attribués) me détermine à vous indiquer l’étonnement qui est le mien à lire, avec la plus grande attention, « Les origines du totalitarisme » d’Hannah Arendt. Vous en trouverez la marque dans :<br /> <br /> http://crimesdestaline.canalblog.com<br /> <br /> Très cordialement à vous,<br /> <br /> Michel J. Cuny
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A
Un coup de coeur, rien de moins! Il était sur ma liste, tu me donnes envie de le lire bientôt! Et puis les espaces comme la Sibérie, les endroits froids, me parlent toujours beaucoup!
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C
@ Erzie : Je ne sais pas pourquoi je n'ai jamais regardé "Rendez-vous en terre inconue"... ma vie est plus vide depuis qu'il n'y a plus "J'irai dormir chez vous", mais hier soir je suis tombée sur une redif :-)<br /> <br /> Sinon, oui, je pense que tu aimerais ce livre ! Préviens moi si tu le lis !
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