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31 janvier 2015

"Les Héritiers" de Marie-Castille Mention-Schaar

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Les Héritiers de Marie-Castille Mention-Schaar

2014, 1h45.

Avec Ariane Ascaride, Ahmed Drame, Noémie Merlant, Geneviève Mnich, Stéphane Bac, Wendy Nieto, Aïmen Derriachi, Mohamed Seddiki...

Nous sommes dans le lycée d'un quartier populaire de banlieue, à Créteil et dans le quotidien d'une classe cosmopolite de seconde, option histoire des arts. La classe est agitée, les élèves sont à fleur de peau. Madame Guenguen, professeur d'histoire, a du mal à trouver l'accroche pour captiver la classe, tous sont persuadés qu'ils n'arriveront à rien de toutes façons. Un jour, elle décide de leur proposer de participer au concours national sur la résistance et la déportation. Les élèves sont d'abord frileux, ils ne se sentent pas capables de relever le défi... puis petit à petit ils rejoignent le groupe, maladroits, pour former enfin une véritable équipe et travailler ensemble. Le concours apparaît alors comme une découverte de l'histoire et une découverte des élèves eux-mêmes et entre eux, et malgré le sujet douloureux et morbide, le projet se révélera une véritable bouffée d'air pour les élèves.

Vous vous en souvenez peut-être, il y a quelques mois je lisais désespérément des témoignages de profs afin de retrouver la motivation de continuer. J'ai changé de collège, je suis maintenant dans un quartier populaire avec des élèves qui triment et leur famille qui triment, et je m'y sens bien mieux qu'avec mes élèves de l'année dernière (bien que ce ne soit pas simple tous les jours, je suis dans la banlieue, la vraie!)

Lors d'une réunion, et suite aux évènements des dernières semaines, les profs de mon collège ont décidé que nous devions nous mobiliser auprès des élèves, car nous avions entendu des horreurs absolues lors des attentats, suivi de remarques inacceptables lors d'un cours sur la Shoah. Nous avons alors décidé d'organiser une sortie au cinéma pour nos élèves de troisième, d'urgence, et sommes allés voir hier Les Héritiers.

Et là, même si cette année je vis très bien le fait d'être prof, nous avons reçu ce film comme une claque assortie d'un sentiment de communion avec les élèves (enfin, du moins, moi!) et c'est exactement ce que je recherchais il y a quelques mois... je n'avais pas compris que ça ne pouvait pas se faire dans mon coin, et dans un livre, mais avec les élèves.

Nous sommes donc allés voir ce film ensemble, la salle était pour nous. Les élèves se sont d'abord reconnus à l'écran, nous les avons également reconnus avec le sourire aux lèvres.... quand la sonnerie du lycée s'est mis à sonné, nous avons tous eu un moment de flottement, notre sonnerie est la même ! Gros rire dans la salle ! Ça commençait pourtant bien mal, nous n'avons pas pu entendre les trois premières minutes du film tellement il y avait de bavardages dans la salle, puis les élèves se sont mis à écouter, captivés. J'entendais des commentaires, Mohammed représenté en enfer? "sale pute la prof d'histoire!" et puis l'émotion quand Léon Zyguel est venu témoigner sur son séjour dans les camps. Les élèves rigolaient aux blagues à deux balles de leur semblables puis devenaient graves quand une prof se fait agresser, quand une élève rentre chez elle et trouve sa mère ivre devant la télé.... bref, c'est un film réaliste (dixit mes élèves) et intelligents (dixit les élèves), et y sont comme nous (dixit les élèves). Dans mes deux classes, chacun de mes élèves a trouvé ce film très bon, tous unanimes, ça n'arrive jamais.

C'est également un film qui parle aux profs et qui leur remet devant les yeux ce pour quoi ils sont là: Ils sont là pour leurs élèves, quelles que soient leur difficultés, leurs origines et leur problèmes, car des problèmes, il y en a... Nous sommes là car nous ne pouvons juste pas les laisser tomber. Nous sommes là car nous "avons plus confiance en eux qu'eux-mêmes", cette phrases je leur ai ressorti hier et je vais leur ressortir régulièrement. Ils en ont besoin, tellement besoin.

Ce film m'a fait chaud au coeur, j'ai beaucoup pleuré. Quand, à la sortie, certains élèves en chambraient d'autres parce qu'ils avaient pleuré, je leur ai dit "Il n'y a pas de honte à avoir, moi aussi j'ai pleuré!" "Haaaan, c'est vrai madame????" "Ben oui, et à chaudes larmes".

Et puis, ce film m'a rappelé mon année de seconde, avec cet excellent prof d'histoire que nous avions, qui a d'ailleurs un jour pleuré devant nous, et qui nous a, lui aussi, proposé de participer à ce concours à l'époque, dans un autre contexte, mon lycée était élitiste, et j'ai eu énormément de chance de pouvoir étudier là-bas. J'ai participé à ce concours moi aussi avec une amie, on n'a pas gagné, mais on a passé une année passionante, on a fait des sortie de passionnés d'histoire avec un prof passionnant (mais quel était donc son nom? J'aimerais tellement aller boire un café avec ce prof aujourd'hui). Mon père a pris part au projet, car lui aussi aime l'histoire, j'ai grandi avec des encyclopédies sur la Résistance dans ma chambre, que j'ai passé mon enfance et mon adolescence à feuilleter. Il nous a emmenées dans des musées et nous a fait rencontrer un ancien déporté. Beaucoup de larmes et beaucoup de cauchemars à l'époque.... Mon intérêt particulier pour cette période de l'histoire vient, en partie, de mon année de seconde.

Hier après-midi, j'ai décidé de ne pas faire cours à mes troisièmes et de débattre sur le film. On a enfin réussi à engager un dialogue sincère et sain, entre nous, je ne les ai pas censurés et leur ai rappelé que nous avions choisi d'être là avec eux et que nous étions là pour eux, quelles que soient leur difficultés. Cela nous a fait du bien, à tous.

Cette journée fut magique, cette journée m'a confortée dans mon choix de faire ce travail, cette journée m'a rappelée que je n'étais pas prof par hasard, et que ce n'était finalement pas une surprise si je me sentais si bien cette année avec mes élèves. Je dois tout, ou presque, à mes profs qui ne m'ont jamais laissée tomber alors que je partais de très loin. J'aimerais tellement en retrouver certains.

Et coup du sort, le déporté que témoignait dans ce film, Léon Zyguel, est décédé hier. Une grande pensée pour lui et pour ce qu'il a accompli.

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Commentaires
F
Un beau moment... Ca fait plaisir ! :-)
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C
Ça fait plaisir de lire des articles comme ça, ça a l'air de t'avoir donné la pêche (par contre, je ne savais pas pour Zygel ça me fait un coup)
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T
Ton billet m'émeut beaucoup, je suis allée voir ce film un 7 janvier.. et j'y ai aussi pleuré à chaudes larmes, j'ai aussi beaucoup pensé à mes élèves...
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