j'ai longtemps eu peur de la nuit

J'ai longtemps eu peur de la nuit de Yasmine Ghata

Éditions Robert Laffont, 18 août 2016, 156 pages

Suzanne, femme d'une quarantaine d'années, anime des ateliers d'écriture. Elle rencontre une classe de troisième d'un lycée parisien à laquelle elle propose l'activité suivante : Choisir un objet de famille et le ramener au lycée, les élèves devront ensuite, au cours des séances, écrire ou imaginer l'histoire de cet objet. Au fond, une jeune garçon à la peau noir semble tétanisé, il s'appelle Arsène. Le seul objet qui lui appartient et qui lui vient de sa famille est une vieille valise en cuir, celle qui l'a sauvé de la mort au Rwanda, sa meilleure amie, l'incarnation de son exile. Suzanne va, avec beaucoup de patience, apprivoiser le jeune garçon et il a, à elle seule et pour la première fois, confié son histoire, celle qu'il n'est pas capable d'écrire.

Arsène avait huit ans quand sa grand-mère lui a ordonné de partir, de fuir à toutes jambes son village, de laisser sa famille derrière lui pour échapper à la mort. Elle lui a remis la valise familiale, remplie à la hâte de quelques vêtements, de quelques gâteaux secs et d'une gourde d'eau.

"Cette valise ne fut jamais utilisée [...] Elle ne servait à rien, mais présentait l'avantage de rendre tout départ possible" (p.27)

La suite, c'est la fuite du jeune garçon, à travers les champs et la forêt, effrayé, affamé, et seul, si seul. Sa valise va tenir le rôle d'une mère protectrice. Il se glissait dedans pour dormir la nuit et pour se protéger de la faune alentour, prête à le grignoter comme dans ses pires cauchemars... des milices hutu.

Suzanne, elle aussi garde de vieux fantômes cachés au fond d'elle, qui ressurgissent d'un coup en enseignant, justement, dans la cité scolaire qu'elle fréquentait dans son enfance. Son père est mort dans un appartement tout près alors qu'elle était toute jeune. Elle n'en a toujours pas fait son deuil.

Les deux histoires alternent et communiquent entre elle dans ce texte. Même si l'enfance de Suzanne n'a rien à voir avec celle d'Arsène, la perte de ce père lui permet de comprendre le jeune garçon et de gagner, petit à petit, sa confiance.

C'est un très joli roman, tout en poésie, très émouvant. L'histoire d'Arsène nous prend au tripes, elle m'a personnellement fait verser quelques larmes. Malgré les évènements tragiques relatés, c'est une histoire sobre, douce et chaleureuse, pleine de respect pour ce Rwanda meurtri. C'est un livre très fort et je découvre, grâce à cette nouvelle rentrée littéraire, la très belle plume de Yasmine Ghata.