odyssée du marsouin

L'Odyssée du Marsouin de Mark Haddon

Traduit de l'anglais par Odile Demange

NiL Editions, 2021, 397 pages

Philippe aime follement sa compagne qu'il perd dans un accident d'avion. Elle est enceinte mais le bébé est sauvé in extremis. Il décide alors d'élever sa fille Angelica seul, dans une prison dorée. Il aime également follement sa fille, de façon malsaine, inappropriée, charnellement. Angelica grandit privée de tout, entourée uniquement de son père et de ses quelques employés pour la préserver d'une quelconque influence du monde extérieur et pour garder leur secret intact et impalpable. Elle grandit alors au milieu de la littérature classique. Elle rêvasse beaucoup, s'ennuie beaucoup. Alors adolescente, elle commence à comprendre que l'attitude de son père est déviante. Lorsque Darius leur rend visite, tout va déraper dans ce huis-clos (enfin, si on part du principe que tout cela n'est pas déjà un sacré dérapage.) et nous voilà, en parallèle embarqués dans l'Odyssée du Marsouin, en pleine Grèce antique, dans l'histoire de Périclès, de Chloë et de leur fille Marina. Chloë meurt en bateau lors de la naissance de Marina... 

Quel roman ! Quelle épopée ! Quelle Odyssée !

Dès les premières pages du récit j'ai été happée par le style de l'auteur, percutant, efficace, dynamique, entrainant. L'entrée dans le roman est déroutante mais on y va pour voir où ça va nous mener. Puis on tombe rapidement dans l'horreur de l'inceste, c'est dérangeant, révoltant et malsain. L'ambiance est lugubre mais la lecture de l'histoire de la pauvre Angelica est captivante. J'ai frissonné pour elle tellement je voulais lui tendre la main à travers les pages remplies d'encre noir pour l'aider et l'attirer dans mon refuge. Elle se créé un refuge à elle et part voguer du côté de la Grèce antique, un monde dans lequel sa mère meurt mais pas vraiment, son père l'abandonne mais la met en sécurité. Un monde où il est possible de prendre la fuite quand tout déraille. 

C'est captivant. Tout au long du roman, j'ai pu noter la métaphore de l'araignée qui tisse sa toile, son monde. Pour moi, ce roman est une large toile d'araignée. Les deux mondes dialoguent, raisonnent, se rapprochent pour s'éloigner de nouveau, comme les mouvement de l'araignée qui travaille. Ce roman n'est qu'échos, tissages, liens entre de deux mondes, des personnages qui vivent finalement la même trame d'une histoire mais pourtant tellement différente. 

Et là je dis bravo, car c'est ce que j'aime le plus dans un roman : Qu'il soit travaillé, maîtrisé, ambitieux, exigeant envers ses lecteurs. J'aime les romans qui me font réfléchir à ce point sur la trame, sur la forme, sur le choix des mots. Je peux d'un coup lever la tête et me mettre à réfléchir une demie heure sur la construction et le travail de l'auteur avant de reprendre ma lecture. L'araignée qui se balade dans le livre pour tisser sa toile a atteint et envahi mon cerveau de lectrice pour la continuer en dehors du livre. Voici ce qu'est pour moi la vraie création littéraire, un livre réussi.

Je connaissais pourtant Mark Haddon pour ses autres romans que j'avais déjà appréciés, cette fois il m'a bluffée alors BRAVO !

J'ai oublié de parler de ce passage où Shakespeare, lui-même, nous accompagne à travers le Londres Elisabéthain, un vrai délice ! Car oui, le livre est une adaptation très libre du Périclès de Shakespeare.

Livre hors thème du mois lu dans le cadre de A year in England que j'organise durant toute cette année avec mes copines Lou et Titine.

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