"Nord et Sud" de Elizabeth GASKELL
Nord et Sud de Elizabeth GASKELL
Éditions Points, 2011, 672 pages
Margaret vit avec ses parents dans un petit village de campagne du Hampshire en Angleterre. La nature est chatoyante, la famille dont le père est pasteur est bien intégrée dans la petite communauté, chacun mettant un point d'honneur à faire de bonnes actions pour rendre la vie des villageois plus agréable. Tout aurait pu suivre son cours s'il n'étais pas venu au père de Margaret l'idée farfelue de se remettre en question ainsi que sa foi, et par conséquent sa place dans la communauté. Les voilà donc partis pour Milton, ville industrielle du nord du pays. Les nouveaux venus vont avoir bien du mal à se faire à cette atmosphère grise et poussiéreuse, ainsi qu'à la vulgarité ambiante des ouvriers. Et que dire de John Thornton, propriétaire de la filature du village qui se prend d'amitié pour le propre père de Margaret et qui ose faire les yeux doux à la jeune fille !
Il est des livres dont il est dangereux voire néfaste d'écouter parler les copines, même les plus dignes de confiance. Ça fait quelques années maintenant que j'entends parler par-ci par-là de Dame Gaskell, toujours associée avec ce terme des plus rebutants : Roman industriel. C'est que le monde ouvrier je le connais bien, et franchement il y a des thèmes qui me font quand même plus rêver que de suivre le quotidien des ouvriers d'une filature. Je fais un rejet un peu extrême du monde ouvrier il faut dire (et des syndicats et de la politique, tout étant lié, et il ne serait pas faux d'y voir là un traumatisme d'enfance).
Donc, un roman industriel... ahem... heureusement que l'une de mes copines victoriennes m'a mis dans les mains la série BBC qui a un peu redoré l'image que je pouvais me faire de ce livre.
Le milieu industriel est bien sûr très présent dans ce roman. Margaret et sa mère sont pleine de préjugés et n'y vont pas de main morte pour décrire le monde qui les entoure à leur arrivée. Ça ne donne pas du tout du tout envie d'y aller. Mais Margaret est très jeune, et ce déménagement est pour elle l'occasion d'ouvrir ses petits yeux naïfs sur la société et sur les gens qu'elle rencontre. Sa mère refusera totalement, et ne s'en sortira pas indemne, j'y vois une métaphore. Le monde ouvrier est parfaitement dépeint et je n'ai pu m'empêcher de me souvenir de New Larnark à la lecture de ces pages. Je comprends d'ailleurs maintenant une certaine Isil qui s'imaginait entourée de poussière de laine lors de notre visite de la filature là-bas.
Ensuite, parce que nous sommes ici en plein roman victorien, avec toujours des histoires de coeur compliquées, on se doute bien que l'intrigue va également beaucoup tourner autour de Margaret et de John, renforçant par la même occasion le gouffre entre la vie à la campagne et la vie en ville industrielle. Et pourtant, la jeune Margaret va petit à petit tomber de ses positions bien campées. Sa découverte du monde industriel va de paire avec son rapprochement timide avec Thornton, j'y vois là aussi une métaphore.
Il est déroutant de voir que les problèmes ouvriers n'ont pas du tout évolués depuis le 19ème siècle... On fait appel à de la main d'oeuvre étrangère bon marché si les ouvriers locaux se font un peu trop dérangeants... et pourquoi on ne délocaliserait pas non plus d'ailleurs ?
Parlons maintenant du non-couple Margaret / John. Je dois dire que Margaret m'a sensiblement énervée tout au long de ce roman. A chaque fois qu'un homme s'intéresse à elle, même poliment, même dans les convenances de l'époque, elle le prend comme un affront, une insulte ! Elle ne se pose même pas la question de savoir si oui ou non le jeune homme peut lui plaire : Non, elle s'énnerve et elle boude furieuse dans son coin pendant des mois et des mois. Ces deux-là, on a l'impression qu'ils font tout pour ne pas finir ensemble, alors que finalement, c'est ce qu'ils attendent tous les deux. John est borné et il n'a pas confiance en lui, alors on comprend vite que ça va être difficile pour lui à force de se prendre des vents violents de la part de Margaret, qui elle est simplement gamine et énervante.
Enfin, soulignons l'humour dans ce roman avec les personnages de Dixon, la vieille femme de charge de la maison un peu bourrue et qui n'hésite pas à faire sa loi, et le vieux Mr Bell, grand séducteur à l'esprit acéré.
Une bonne découverte pour moi, et je relirai volontiers cet auteur dès que l'occasion se présentera (et les copines, ça ne veut pas dire qu'il faut que vous m'en prêtiez un la prochaine fois que l'on se voit!)
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